GO et stratégie

" La richesse du vocabulaire tactique et stratégique du Go est telle qu’on l’a comparé à une langue vivante "
(Reysset, 1995, p. 43).
Au-delà du système ludique, le Go permet d’être aussi un étonnant modèle d’analyse des lois et comportements socio-économiques et militaires.

De par ses règles simples qui rendent sa nature universelle, le Go est reconnu et utilisé comme un jeu de simulation économique, de négociation, de stratégie politique ou d’entreprise.

goban Alors que le jeu d’échecs favorise les stratégies d’objectifs (" tuer le roi "), le Go se base sur les stratégies d’opportunités pour gagner. Le jeu d’échecs privilégie l’invasion du camp adverse pour capturer sa cible alors que le Go impose aux adversaires de se partager l’espace initial vide, dans une volonté pragmatique d’exister côte à côte.

Le but n'est plus de détruire l’adversaire, mais d'aménager sa propre place sur un terrain commun ; la progression se fait plus raisonnée, plus raisonnable. Les mouvements enveloppants auront la préférence sur les guerres de position. On essaiera d'économiser ses propres forces, et non de les dépenser en une seule fois dans un duel à mort.
A la logique occidentale binaire gagnant/perdant, le Go propose donc des actions dialectiques applicables :

En stratégie : " Harceler l'ennemi et non s’épuiser dans une guerre de positions ", tel Mao Tsé Dong affrontant Tchang Kaï-chek dans une guerre d’épuisement.
En politique : " contenir son adversaire, sans nécessairement le mettre à mort ".

En économie : " tenir une base limitée et s’étendre ", tel Nissan qui s’installa au Royaume-Uni pour conquérir le marché européen.

Une partie de Go se transforme donc bien souvent en une négociation entre les deux joueurs. De fait, la fin de partie est négociée quand les 2 joueurs passent successivement, indiquant de cette façon leur commun accord pour terminer.

Le Go développe des aspects stratégiques universels que l’on retrouve dans tous les aspects de la vie personnelle et professionnelle, et ce à tous les âges, transformant le jeu en une grande école de la vie.

Cette philosophie se retrouve dans les proverbes du Go, fruits d’une sagesse millénaire et de siècles d’expérience dans le jeu, somme de milliers de parties, synthèse de l’intelligence de millions de joueurs. Vous retrouverez ces règles entre guillemets dans les paragraphes suivants.

CONCEPT 1

Vision globale, vision locale ou apprendre à changer de perspective durant la partie.


Une partie de Go se développe en 3 grandes phases : Fuseki ou début de partie, Chuban, ou milieu de partie, et Yose, fin de partie.

Le Fuseki démarre sur un territoire vierge et consacre le moment où la vision du jeu doit être la plus globale.

Les décisions d’affectation des ressources doivent être efficaces car potentiellement la perte est plus importante.

Voici quelques règles à respecter pour un bon début de partie :

" Ne pas affaiblir ses propres pierres " : Le sacrifice d’une partie du terrain fait souvent partie du jeu mais il doit toujours être fait en contrepartie d’un gain.

bol de pierres " Jouer en fonction du niveau de partie où on se trouve ". Le début de partie doit être stratégique et global, la fin de partie est tactique et trèès locale. Ne pas faire l’inverse.

" Ne pas trop s’attacher au plan initial". Même si un plan est nécessaire, il faut savoir être flexible et s’en séparer si l’évolution de la partie ou les réactions de l’adversaire nous y obligent (d’où la notion de " plan pour éliminer le plan "?).

Le milieu de partie débute quand les joueurs ont posé les grandes orientations et se posent alors les questions é:

Faut-il jouer le coup important ou le coup urgent ? Où suis-je faible/fort ? Où mon adversaire lui-même est-il faible/fort ?

" Les pierres ne bougent pas. " Une fois posées, les pierres constituent nos investissements faits sur la partie. Elles sont nos forces et faiblesses qu’il faudra peut-être remettre en question. Parallèlement, et malgré cet immobilisme, les pierres posées successivement forment un flux dynamique.

CONCEPT 2

Situation favorable ou défavorable : Prend-on des risques ou doit-on assurer sa position ?


Dans une partie de Go ou dans la vie, il faut toujours connaître sa situation et savoir si nous sommes en avance ou non dans la partie, afin d’adapter sa stratégie en fonction de cette évaluation.

" Il faut ajuster le risque en fonction du score ". Si vous êtes devant, il vaut mieux être prudent et renforcer ses faiblesses. Dans le cas contraire, il faudra préférer l’attaque et la prise de risques.

" Le plateau ne donne pas d’avantage, seul l’adversaire le fait " : pour récupérer l’avantage, il faut forcer votre opposant à faire une erreur.

" Le coup urgent passe avant le gros coup ". Un coup urgent correspond à une situation de faiblesse à réparer : si l’adversaire en profite, la perte peut s’avérer énorme. Il faut donc le privilégier.

" Quand il n’y a plus de coups urgents, jouer celui qui fait le plus de territoire "

" Se battre est un signe de force ; se battre pour se battre est une faiblesse " Prendre des risques inutilement pour le plaisir de la bataille n’est pas profitable.

Et son opposé : " La prudence pour la prudence est dangereuse ".

CONCEPT 3

Savoir équilibrer la pression du jeu : jeu solide contre développement léger.

joueuse de go
La pression exercée sur l’adversaire dans la partie doit être équilibrée en fonction de la situation globale et des forces ou faiblesses en présence.
" Seule une pression contrôlée reflète un jeu équilibré " : La pression de jeu sur l’adversaire peut se comparer aisément à la tension exercée sur une corde de guitare : trop tendue elle casse et insuffisamment tendue et elle ne sonne pas.

" L’ordre et la séquence sont essentiels " : Dans tout processus, respecter le bon ordre est la clef pour gagner.
Malgré tout, souvent un jeu solide peut faire place à un développement léger avec 2 règles importantes : " Il faut savoir abandonner les pierres superflues et protéger ses pierres-clefs" et surtout " prendre ses bénéfices avant de s’en aller ".

CONCEPT 4

Se projeter dans le futur et évaluer les étapes nécessaires.


Il faut savoir imaginer l’objectif à atteindre et ensuite retracer les étapes en arrière pour y arriver. C’est exactement le même processus mental que l’on retrouve dans la " re-engineering " pour améliorer des fonctions d’entreprise : on a une situation actuelle donnée mais ce qui est important est de savoir où veut-on aller et dessiner les étapes pour y arriver.

CONCEPT 5

Identifier les forces amies/ennemies en présence.


" Connais-toi toi-même ". Tout apprentissage, et celui du Go plus qu’un autre, passe premièrement par l’acquisition des connaissances de base. Il est alors possible de maîtriser l’application de techniques connues et enfin d’arriver à créer soit même de nouvelles techniques originales. " Apprendre l’équilibre " : gagner une partie de Go consiste à contrôler au moins 50,1% du territoire. Trouver un compromis est une condition applicable dans tous les aspects de la vie, personnelle ou professionnelle : il est essentiel au Go. " Le meilleur coup de votre adversaire est votre meilleur coup " : Se mettre dans la peau de son adversaire permet de changer la perspective de jeu.

CONCEPT 6

Suivre ou être suivi : comment garder l’initiative.


" Ne suivez pas votre adversaire " : Avant de répondre au coup de l’adversaire, il faut d’abord décider si la réponse donnée est un coup durable, et profitable qui convient à notre stratégie globale. " Etre leader même quand on suit l’adversaire ". Il faut suivre l’adversaire seulement si cela nous est favorable et cela nous amène où nous voulons mais il faut être attentif car "si nos propres plans sont durs à évaluer, ceux de l’adversaire encore plus ".

CONCEPT 7

Ouvrir l’horizon du jeu et/ou se concentrer sur un aspect.


" Jouer un coup avec buts multiples " et " Ne pas courir deux lièvres à la fois " sont deux proverbes complémentaires qui répondent au dilemme de se diversifier tout en se spécialisant.

Librement inspiré du livre "The way of Go" par Troy Anderson, chez Simon and Schuster's Free Press"

En savoir plus : Les mystères du Go